Sportif de haut-niveau et gestion de la pression…

Sportif de haut-niveau et gestion de la pression…

Comment aider le sportif à gérer la pression du haut niveau?

Les sportifs de haut-niveau génèrent admiration, reconnaissance, voir convoitise, auprès des populations de nos sociétés modernes. Ils représentent aux yeux du plus grand nombre, des symboles de puissance, de réussite, prenant la place des chevaliers, des gladiateurs romains ou autres héros de la Grèce antique d’antan…

À notre époque où l’image et le paraître sont devenus plus important que « l’Être»,  les sportifs soignent leur communication, à grand coup de « posts » sur les réseaux sociaux. Leur plaisir y est souvent apparent, ils partagent les bons côtés, leurs objectifs atteints, leur chance de vivre leur passion…

Toutefois, lorsqu’ils finissent leur journée intense, faite d’exigence et de souffrance dans leur recherche d’excellence, le retour dans leur chambre est souvent, d’un tout autre registre. La solitude, liée à la séparation souvent jeune de leur famille, les enjeux financiers corrélés à leur réussite sportive, les doutes quant à leur progression en comparaison à leurs adversaires, la peur de décevoir tout ceux qui croient en eux, les risques de blessures où tout peut s’arrêter en un instant, constitue une charge mentale difficilement gérable seul.

Alors, pour répondre aux attentes de tous, ils se raisonnent, ignorent les messages que leur envoie leur corps  (blessure à répétition) ou leur inconscient (sous forme d’émotions), fuient cette peur de l’échec, en adoptant des comportements opposés auprès de leur entourage.

Mais alors comment un préparateur mental peut-il faire pour aider ces hommes et ces femmes dans leur quête de réussite?

Tout d’abord, la première question à se poser est de savoir qu’est ce que la réussite? Pour beaucoup de personnes, l’image de la réussite dépend des acquisitions matérielles, des médailles récoltées, de l’argent rapporté, des titres obtenus… Toute la société médiatique, mais aussi les mécènes ou sponsors, utilisent ce précepte et il est normal que les sportifs de haut-niveau soit obnubilés par ces schémas, où l’acquisition est au centre de leurs préoccupations…

Ce positionnement engendre beaucoup de stress, de pression, consécutif à l’obligation du résultat. Il est prouvé que le sentiment lié au devoir de »réussir » provoque de la crispation, un manque de relâchement (expliqué physiologiquement par une vascularisation moins importante des muscles antagonistes), empêchant le sportif de se libérer dans l’action (libération de l’artiste, cher au regretté François Ducasse).

Mais alors que faire, face à ce système si profondément ancré…?

Le premier travail consiste à modifier le  positionnement du sportif face à sa réussite. À l’origine, lorsqu’ils ont commencé leur activité, le sport était un jeu, dans lequel leur plaisir était naturel, lié à la découverte d’un nouveau moyen pour s’épanouir, s’exprimer, se réaliser. Mais parfois, le plaisir naturel de pratique a été remplacé par l’exigence de résultat.

 » La réussite pourrait plutôt se concevoir comme la quête vers notre bonheur… »

L’objectif est de considérer la réussite autour de la construction de son identité, de son épanouissement, grâce au sport. Les acquisitions comme les titres, les victoires, deviennent les conséquences de son identité. Pierre David, responsable et créateur de l’Académie de la Haute Performance, a construit sa méthode autour de l’adage: « L’important n’est pas ce que tu fais, mais qui tu deviens… ».

Il explique son concept autour des verbes Être-Faire-Avoir. Le principe est de considérer que nous avons le choix d’ÊTRE, qui nous voulons, en nous posant la question « Qui ai-je envie de devenir? », dans chaque situation (matchs, entrainements, contextes de vie…).  À partir de ces choix, l’individu va FAIRE des actions en adéquation avec son identité, ce qui augmente la possibilité d’AVOIR des résultats. Plus on joue en se libérant de l’avoir, en se plaçant sur le chemin de la construction personnelle, par son identité, plus on agit en faisant des gestes qui nous rapprochent de la victoire.

De plus, l’identité du sportif doit se construire en parallèle en tant qu’individu, en développant leur « Estime de soi »: La nécessité d’identifier ses valeurs, son désir profond (ses émotions recherchées), d’équilibrer son épanouissement dans l’ensemble de ses sphères de vie (famille, amis, loisirs, amours, activités), sont des travaux obligatoires permettant au sportif de ressentir la fierté de s’accomplir pleinement et pas seulement dans leur domaine de prédilection.

Au sein de leur activité, dans leur quête de construction personnelle, les sportifs doivent également luter contre le sentiment de culpabilité qu’ils peuvent éprouver, s’ils ne vivent pas une charge quotidienne intense. Il est montré que ceux qui ont le plus de résultats, sont ceux qui prennent le plus de plaisir dans leur recherche de progression. Pour se faire, la disponibilité mentale est obligatoire, afin de produire une qualité maximale dans leurs entrainements. La qualité doit primer sur la quantité, et dans l’idéal, afin d’allier les deux, il est nécessaire que le sportif éprouve du sens dans ce qu’il fait.

Pour en arriver là, la mise en place d’objectifs de résultats traduits en objectifs d’évolution, sont des points essentiels à leur équilibre mental. Aussi, en accord avec les entraineurs, la prise de responsabilité au cours des situations d’entrainement, en intégrant l’idée du « je vais m’entrainer » (acteur de sa progression) au lieu de se dire « je vais à l’entraînement  » (passif, en subissant son entrainement) est un point fondamental dans l’expression de leur quête de sens.

Mais toutes émotions refoulées, rejaillit sur le corps par compulsion..

Aussi, le sport est un générateur d’émotions, et peu d’activités, à nos jours, en génèrent autant, en nombre et en intensité. Les émotions sont l’expression d’un besoin, un message de notre inconscient, afin de nous guider à faire les choix permettant de perpétuer notre survie. Beaucoup de sportifs ont l’habitude de refouler leurs émotions au cours de leur pratique, afin de rester le plus froid possible dans leur tête pendant l’action. D’ailleurs, le fait de ressentir certaines émotions comme la peur, peut apparaitre comme une faiblesse qu’il convient de cacher afin de paraitre « fort aux yeux du monde »…

Dans sa construction étymologique, le mot émotion vient du latin movere « mettre en mouvement », elles sont un « carburant » permettant l’action, si elles sont bien utilisés… Le rôle du préparateur mental est d’aider le sportif à identifier les éléments sur lesquels il peut utiliser l’énergie déployée par l’émotion. Il s’agit de l’accepter, d’être à l’écoute de son message, afin d’agir dans des domaines qu’il peut contrôler.

Enfin, pour conclure, la récupération physique et psychologique sont des axes fondamentaux à l’équilibre mental et à la gestion de la pression. Des techniques respiratoires, de visualisation issus de la Sophrologie, de la méditation, comme la Cohérence Cardiaque, apportent une aide, à la fois dans les performances des sportifs, mais aussi dans la gestion de leurs émotions. La neurobiologiste Françoise Jamen, spécialisée de l’étude de pleine conscience à l’université de Paris- Saclay, a observé  qu’après 8 semaines d’exercices  journaliers de 10mn de méditation, « les zones responsables de la peur, comme l’amygdale et l’hippocampe, se réduisent, alors que dans le même temps, le nombre de connexion augmente au niveau du cortex préfontal, la région associée à la régulation des émotions, à la prise de décision et aux processus cognitifs complexes… ». Non seulement les exercices respiratoires réguliers permettent une meilleur gestion émotionnelle, mais ils permettent également au sportif de préparer leur cerveau à vivre l’état de « flow », l’état de toute puissance lié au lâcher-prise et à la concentration optimale sur le moment présent…

Les préparateurs mentaux diplômés ne sont en aucun cas des médecins, assurant une guérison ou une réussite systématique en fonction de leurs patients. Nous n’avons pas la compétence de traiter des pathologies mentales profondes et notre rôle est parfois d’orienter les individus, vers des psychiatres ou autres médecins spécialisés. En revanche, nos compétence dans la gestion émotionnelle, liée à la performance et au développement de l’identité, peuvent apporter une aide précieuse aux sportifs désireux de performer en harmonie avec leur personnalité.

 

Yann Enslen